“On a trop souvent une lecture pessimiste de Lohengrin”, Florent Siaud metteur en scène de Lohengrin à l’Opéra national du Rhin
À l’Opéra national du Rhin du 10 mars au 10 avril 2024, Florent Siaud aborde pour la première fois Wagner avec Lohengrin, accompagnant la prise de rôle attendue de Michael Spyres. Remarqué notamment pour sa lecture intense de 4.48 Psychose de Sarah Kane à Paris, le jeune metteur en scène aborde aussi bien le théâtre que l’opéra, évoluant entre le Québec et la France. Il nous partage sa lecture de Lohengrin, attentive à rendre lisibles les lignes de force de l’intrigue, tout en posant un regard puissant et empathique sur les personnages.
Comment Lohengrin s’inscrit-il dans votre parcours ?
C’est quelque chose d’assez naturel : j’écoute Wagner depuis que j’ai 15 ans, d’une certaine manière je m’y prépare depuis ce moment. Cela dit, ça reste un défi gigantesque : il faut faire émerger les enjeux théâtraux d’une dramaturgie qui n’est pas réaliste et dans laquelle les chœurs par exemple tiennent une place importante.
Quels sont les enjeux pour un metteur en scène qui veut aborder Wagner ?
Ce qui est délicat, c’est qu’il faut proposer une lecture singulière de l’oeuvre et, en même temps, rester lisible pour le public, qui ne connaît pas forcément ces œuvres par coeur. C’est un enjeu ici, à Strasbourg, où Lohengrin n’a pas été représenté depuis 30 ans. À force d’avoir des productions distanciées, indifférentes aux détails de la fable ou de la partition, on risque de manquer le contact avec un public qui, dans certaines villes, a tendance à s’éloigner des salles…
Quel a été votre point d’entrée dans cette histoire ?
L’arrivée de Lohengrin a tout de suite un écho mystique : on est devant une communauté désœuvrée qui attend d’être sauvée et qui accepte immédiatement cette parole énigmatique qui ne veut pas donner ses sources ni son nom. Lohengrin arrive avec son mythe pour fonder une nouvelle société qui serait miraculeusement cohérente autour de lui. L’opéra permet ainsi de poser cette question : comment construire une communauté politique qui offrirait une place à la dissension, à ce qui est différent ?
Comment interprétez-vous la fin de l’œuvre ?
On a souvent une lecture pessimiste de cet opéra : le départ du héros signifierait la dissolution de la communauté. Il faut dire qu’il y a une accélération dramatique dans la dernière scène qui fait que tout s’enchaîne et que le rideau tombe à toute allure. Pourtant la musique de Wagner, comme celle de Bach, se conclut par un gigantesque accord majeur : une modulation spectaculaire qui, chez un compositeur aussi conscient de ses effets, signifie forcément quelque chose. Pour moi, c’est l’idée d’une aurore possible après le crépuscule, un espoir que nous indique la musique.
Il y a une dimension presque dystopique dans votre vision…
Disons qu’il y a des échos lointains avec la réflexion que propose Margaret Atwood dans sa Servante écarlate : on ne sait pas si c’est de l’anticipation ou le retour d’un passé anxiogène, avec des rituels majestueux mais vides, une hiérarchie sociale forte et oppressante… Le mariage d’Elsa devient ainsi un mariage collectif dans lequel les femmes n’ont pas leur mot à dire, avec cette idée qu’il faut faire des enfants avant de partir au combat. Cela crée aussi une unité de ton : ici ce n’est pas l’écarlate mais le bleu qui devient de plus en plus dominant, image d’une fusion de la communauté opérée à marche forcée par le pouvoir politique et religieux.
Comment se passe le travail avec les chanteurs ?
Les deux tiers des interprètes abordent leur rôle pour la première fois. Il y a de leur part une vraie disponibilité et une ouverture à toutes les dimensions contradictoires de la partition. Je retrouve cette même fraîcheur chez Johanni van Oostrum, dont c’est pourtant la 9e “Elsa”, et Martina Serafin, Ortrud impressionnante.
Quelle vision avez-vous des personnages principaux ?
Elsa, c’est une sœur d’Antigone qui s’affirme au fur et à mesure de l’opéra. À la fin, le monde est submergé par une forme de tsunami et elle se trouve à l’avant avec les enfants, comme si elle représentait la suite des choses. Lohengrin quant à lui, c’est un ange qui décide de choisir la condition humaine et l’amour, un peu comme le héros dans Les Ailes du désir de Wim Wenders. Il y a une dimension de sacrifice touchante : il découvre des choses qu’il ne connaît pas tout en gardant ce côté “métallique” de l’intransigeant qui met la foi au-dessus des humains et de la réalité. Comme pour Ortrud et Telramund, il faut trouver des paradoxes pour habiter ces personnages un peu monolithiques.
Vous passez régulièrement de l’opéra au théâtre, il y a-t-il une différence ?
Pas véritablement, les deux se nourrissent : la contrainte principale de l’opéra, c’est qu’il faut prévoir tous les paramètres de la production en amont. Cela exige une énorme organisation et une anticipation dans chaque choix artistique. Les effectifs qu’on est amenés à diriger (dans Lohengrin, on avoisine les 90 interprètes sur le plateau) imposent eux aussi une préparation presque athlétique. Mais l’oeuvre de Wagner dépasse clairement le seul cadre de l’art lyrique. Elle impose une telle réflexion sur le spectacle vivant qu’elle aura forcément une incidence sur ce que je ferai par la suite au théâtre.

Distribution
LOHENGRIN
De Richard Wagner
Direction musicale : Aziz Shokhakimov
Mise en scène : Florent Siaud
Avec : Michael Spyres, Johanni van Oostrum, Martina Serafin, Josef Wagner, Timo Riihonen, Edwin Fardini
Décors : Romain Fabre
Costumes : Jean-Daniel Vuillermoz
Lumières : Nicolas Descoteaux
Vidéo : Eric Maniengui
Assistance : Johannes Haider
Chœur de l’Opéra national du Rhin, Chœur d’Angers Nantes Opéra, Orchestre philharmonique de Strasbourg
Production : Opéra national du Rhin
Du 10 mars au 10 avril 2024 à l’Opéra national du Rhin et la Filature de Mulhouse
Infos et réservations : operanationaldurhin.eu/fr/spectacles/saison-2023-2024/opera/lohengrin
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